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Diplômés mais bloqués : le scandale qui prive Haïti de ses soignants


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Obtenir un diplôme universitaire devrait être un moment de fierté, l’aboutissement d’années d’efforts et de sacrifices. Mais pour les sortants de la Faculté de Médecine et de Pharmacie (FMP), de l’École de Biologie Médicale (EBM) et de l’École d’Optométrie (EO) de l’Université d’État d’Haïti (UEH), c’est trop souvent le début d’un interminable parcours administratif.


Je parle ici d’une expérience vécue. Diplômé en pharmacie depuis 2016, j’ai dû attendre deux ans pour recevoir officiellement mon diplôme d’État de Pharmacien, alors que toutes mes obligations académiques avaient été remplies. Ce délai s’explique par un enchaînement de démarches kafkaïennes : de la FMP aux Archives nationales pour obtenir le papier spécial, calligraphie manuelle du diplôme, passage obligé au Rectorat, transit au ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP), puis au ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP), avant de revenir à la FMP. Chaque étape, au lieu de rapprocher du but, rallonge le délai et transforme ce qui devrait être une simple formalité en un calvaire épuisant.


Ce n’est pas un cas isolé. Chaque cohorte, chaque promotion traverse le même enfer administratif. Le processus de délivrance des diplômes demeure archaïque, manuel et vulnérable à des retards techniques ou humains qui paralysent tout le système. Cette lenteur entraîne des conséquences dramatiques : elle bloque l’entrée sur le marché du travail de centaines de jeunes médecins, pharmaciens, biologistes et optométristes, retardant leur intégration professionnelle et privant le pays de ressources vitales.


Autrefois, une mesure permettait de limiter cette impasse. À la fin du service social, le finissant muni de son attestation de diplôme et de sa lettre de fin de service social obtenait automatiquement son permis d’exercice, communément appelé « licence ». Ce document, délivré par la direction Générale du MSPP via la Direction de Formation et de Perfectionnement en Sciences de la Santé (DFPSS), ouvrait la porte au marché du travail tout en laissant le temps à l’Université de délivrer le diplôme définitif. Mais cette disposition a été supprimée. Désormais, nul ne peut obtenir ce permis sans présenter le diplôme officiel. Résultat : des centaines de jeunes restent bloqués pendant des mois, voire des années, sans pouvoir travailler légalement. Dans un pays en pénurie de personnel médical, cette situation est absurde. Pendant que les diplômés attendent leur papier, les hôpitaux manquent de bras et les opportunités d’emploi sont perdues au profit de professionnels formés ailleurs.


Ce problème dépasse la simple lourdeur administrative : il menace la santé publique et contribue à l’exode des compétences. Il pousse une génération entière à quitter le pays, faute de perspectives immédiates. Or, au moment où l’UEH projette d’instaurer une cérémonie de graduation unique pour toutes ses entités, l’occasion est historique. Remettre les diplômes le jour même de cette cérémonie serait un geste symbolique et concret pour revaloriser l’Université et restaurer la confiance de ses étudiants. À l’ère numérique, il est incompréhensible qu’il faille jusqu’à deux ans pour délivrer un document qui pourrait être généré, validé et remis en quelques clics, dès lors que les exigences académiques sont complétées.


Pour sortir de ce cycle infernal, plusieurs mesures concrètes s’imposent :
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  • Moderniser le processus de délivrance des diplômes par une dématérialisation complète, avec validation électronique et impression sécurisée ;

  • Créer un « DIPLÔME UNIQUE UEH » pour toutes les entités, avec un format standardisé et un système de traçabilité numérique ;

  • Réduire le délai lié à la calligraphie en adoptant des technologies modernes d’impression et de certification anti-fraude.


Ces réformes ne sont pas de simples recommandations. Elles sont urgentes. Elles permettraient de soulager les jeunes diplômés, de freiner l’exode, de garantir au pays un apport rapide de professionnels compétents, essentiels pour un système de santé déjà fragilisé.


Il ne s’agit pas ici d’une revendication personnelle, mais d’un enjeu collectif. Chaque jour de retard prive la population de soins essentiels. Les jeunes diplômés de l’UEH, boursiers de l’État haïtien grâce aux contributions de leurs concitoyens, ont un devoir envers leur pays, mais l’État a aussi un devoir envers eux : leur permettre de servir sans être piégés dans un labyrinthe administratif. L’UEH, à travers son nouveau Conseil exécutif, a l’opportunité d’écrire une page nouvelle de son histoire en offrant à ses diplômés un parcours simple, rapide et digne de leur engagement. Plus qu’une question administrative, c’est une question de justice sociale, de santé publique et de respect envers la jeunesse universitaire haïtienne.


Dr. Wellington DERAMEAU, MD, Pharm.

29-Septembre-2025

 
 
 

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